Alexia COQUENET

Ancienne étudiante du master Design Graphique et d’Interaction promo 2018

Propos recueillis par Nelly Warembourg

« Il va falloir te battre tout le temps pour prouver que ce que tu fais c’est bien, prouver ce que tu vaux en tant qu’ux-ui designer. »

Peux-tu nous parler de ton parcours ? Qu’est ce qui t’as motivé à faire ce choix d’études ? Avais tu des affinités avec la création graphique ?

Alors moi j’étais un peu paumée au lycée, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire par la suite. J’aimais la création et l’informatique et c’est aux journées portes ouvertes de plusieurs écoles que je me suis dit « bah pourquoi pas webdesigner ! ». Je ne connaissais pas ce métier avant, mais ça me disait bien, alors je suis partie sur cette idée. Je suis partie à la fac d’art, en n’ayant jamais fait de dessin avant, et je me demandais si ça allait me servir pour ce que je voulais faire. En troisième année de licence j’ai opté pour une spécialisation numérique. J’y ai découvert tout un univers autour de la photo, de la 3D, de la création numérique… et ça m’a beaucoup plu ! Et j’ai poursuivi en postulant au Master Design Graphique et Design Interactif.

Qu’est-ce que ce master t’as apporté ?

J’y ai découvert l’ux ui design. Je n’avais aucune notion de tout ça en arrivant dans le master, mais ça mêlait bien le numérique et l’aspect créa que j’avais découvert en licence : c’était une bonne continuité et ça me plaisait. Mais il faut savoir que c’était vraiment le commencement de l’ux-ui design, ça existait pas tellement à l’époque, donc c’était un domaine assez nouveau.

Ça ne devait pas être évident de faire une formation en même temps que le domaine de l’ux-ui se développait également dans le milieu pro, si ?

Oui, c’était plutôt déstabilisant que ce soit le début du développement de l’ux-ui, parce que c’est à toi de démocratiser ton domaine d’expertise, de faire comprendre à des personnes de quarante ans l’importance d’implémenter l’ux-ui design.

Est-ce que tu trouves qu’il y a un décalage entre ce que tu as appris en master et la réalité du métier ?

À la fac on t’apprend un process complet de l’ux-ui dans un certain ordre, et en arrivant dans le milieux pro tu veux bien faire les choses qu’on t’a appris. Mais en réalité t’as pas beaucoup de temps donc tu peux pas appliquer parfaitement la méthodo qu’on t’as enseigné ! Il va falloir te battre tout le temps pour prouver que ce que tu fais c’est bien, prouver ce que tu vaux en tant qu’ux-ui designer pour essayer de gagner du temps et des moyens dans les projets que tu veux mettre en place.

Tu as un exemple en tête ?

Par exemple les tests utilisateurs ! Parfois il arrivait qu’on en fasse pas du tout par manque de temps
ou de moyens.

Personnellement j’ai du mal avec les cours de codage, je ne comprends pas très bien pourquoi il faut absolument savoir coder en tant qu’ux-ui designer. Est-ce que toi, maintenant que tu es dans la réalité du métier, tu y vois l’intérêt ?

Alors personnellement j’ai toujours aimé coder ! Mais je te rassure, on ne te demandera jamais de faire un site de A à Z, de la créa jusqu’au développement ! C’est même impossible si tu veux bien tout faire dans les délais impartis car tu manquerais de temps. On te demande de coder parce que c’est intéressant pour toi de savoir comment ça fonctionne pour que tu puisses, toi, en tant que designer, savoir comment seront développées tes créations. C’est utile dans la sphère technique au niveau des notions, pour que tu puisses proposer des choses réalisables, sinon tu devras revoir le projet et ça fait perdre beaucoup de temps. Dans le domaine, on travaille généralement directement avec les développeurs. C’est donc utile de savoir parler le « même langage ».

Au niveau des apports et des limites du master qu’est-ce que tu en penses aujourd’hui ?

l’époque on avait Samuel Gantier en ux et ui design : on a appris différentes méthodologies, notamment comment mettre en place des tests utilisateurs et mener des interviews. Il est vrai que c’est très utile quand tu te retrouves sur le terrain.

« Pour moi, on sort du master avec un très bon niveau ! Ce qu’on dit moins, c’est qu’il faut s’intéresser aux produits que tu vends et pas juste faire de l’ux-ui pour dire d’en faire. »

Est-ce que tes stages t’ont aidé dans ton insertion professionnelle ?

Oui ! J’ai fais mon stage de licence dans une Startup Valenciennnoise. J’occupais un poste de graphiste et j’étais plutôt en charge de la conception de supports pour le print. Donc c’était un premier pas en tant que créatif dans le monde professionnel. C’est à partir du master, que j’ai vraiment découvert le métier d’UX/UI Designer. J’ai réalisé mon stage de M1 directement chez l’annonceur, chez Connectis. J’ai travaillé dans une équipe de designers et avec le développeur et le responsable marketing digital pour la refonte de leur site internet. J’ai eu l’occasion de faire de l’UX, de l’UI et même un peu de code!

C’était un super stage et ça m’a facilité la recherche de celui de M2 pour rentrer dans l’agence Les Enchanteurs. Historiquement l’agence était spécialisée dans la création de marques et de supports plutôt print. J’ai activement participé à la digitalisation de l’agence en collaboration avec l’ancien directeur du pôle digital ainsi qu’une cheffe de projet. J’occupais un poste de designer web et ça a était une super opportunité puisque j’ai par la suite était embauchée en CDI !

Je vois sur ton parcours Linkedin que tu as travaillé dans plusieurs agences. Tu peux me parler un peu de ton parcours ?

Comme je le disais, j’ai été embauchée chez Les Enchanteurs en tant que designer web. J’ai eu l’occasion de travailler sur une multitudes de projets différents tous trés enrichissants. Que ce soit la conception de sites vitrines ou encore de sites e-commerce. On travaillait principalement avec le CMS WordPress. Aprés 3 ans j’ai donc décidé de quitter l’agence pour découvrir de nouvelles technologies.

Qu’est-ce que tu as décidé de faire pour changer ça ?

J’ai commencé à faire de la veille pour voir les offres sur le marché. J’ai envoyé beaucoup de CV, bien sûr il y a très peu de réponses ! Mais il ne faut pas perdre espoir, et surtout s’y prendre à l’avance, que ce soit des candidatures spontanées ou en réponse à des annonces. Pour être embauché il y a généralement au moins trois entretiens : un avec la responsable RH, un autre avec le commercial et un autre encore avec l’équipe technique, et parfois même un quatrième avec le « big boss » ! Il faut rester à l’écoute du marché en regardant les annonces, même quand tu ne cherches pas d’emploi. Tu peux même postuler rien que pour te créer un réseau, car tu restes dans les contacts et les fichiers de la responsable RH, et quand ils ont besoin de quelqu’un ils te connaissent déjà. Et c’est très important de te créer un réseau, d’être toujours à l’affût des nouveautés et de ce qui se passe sur le marché.

Tu as trouvé aisément ton nouvel emploi, ou ça reste compliqué malgré avoir eu une première expérience en agence ?

Aujourd’hui je suis chez Niji. Lors de mon expérience chez Les Enchateurs j’ai eu l’occasion d’être contactée par une école privée pour donner des cours d’UX/ UI à des étudiants. Ce qui m’a grandement aidé à décrocher mon nouveau poste chez Niji. Donner des cours m’a permis de renforcer certaines compétences comme savoir s’exprimer correctement à l’oral et a confirmé mon expertise en UX/UI.

Peux-tu me parler de tes missions actuelles chez Niji ?

Chez Niji on travaille directement chez le client. C’est un groupe international qui travaille sur beaucoup de technologies différentes. On y retrouve aussi bien le développement de sites via le CMS WordPress que des applications Android ou IOS et j’en passe ! Actuellement je suis en mission chez Decathlon en collaboration avec d’autres designers. C’est super car comme c’est un grand groupe sensible à l’UX, on a beaucoups de moyens pour metter en place des différentes méthodologies apprises. Par exemple, on fait beaucoup de tests utilisateurs : on en fait même à l’étranger comme en Italie et en Espagne grâce à des visio en anglais et à des outils pour suivre le process.

Comment ça se passe concrètement ? Avez-vous un cahier des charges à suivre ?

On n’a pas de cahier des charges à proprement parler. On est intégré dans de grosses équipes et on est animé par des objectifs. On doit aussi suivre le design système (la charte graphique) de Decathlon. Moi je suis Product Designer, ça veut dire que je suis responsable de l’UX et de l’UI d’un produit spécifique chez Décathlon.

Je dois améliorer en continu ce produit et faire en sorte qu’il soit attrayant mais surtout utile et facile d’utilisation pour les clients et les collaborateurs de Décathlon, ce qui engendre de grandes responsabilités.

Tu dis que ce sont des grosses équipes de créa, comment est-ce vous fonctionnez pour le bon fonctionnement des projets ?

Je fait partie d’un groupe d’environ six designers qui fait lui même partie de la partie retail (celle qui développe les outils des collaborateurs). Nous sommes tous dispatchés sur différents projets. Pour s’y retrouver, on organise des grosses réunions – généralement c’est le vendredi matin – pour expliquer ce qu’on a fait la semaine et pour se mettre d’accord. Comme on est intégré directement dans les équipes projets, cela nous permet de travailler directement avec les développeurs.

D’après tes expériences, qu’elles sont tes sources de satisfaction professionnelle ?

Je trouve qu’on a pas le temps de s’ennuyer parce qu’on a tout le temps de nouveaux challenges techniques et créatifs, et que les projets sont tous différents et intéressants. On est tout le temps sur l’ordinateur, sauf à certains moments quand on est sur le terrain où on découvre les utilisateurs, et ça c’est super !

« Il y a vraiment un aspect très sociable dans ce métier, dans le fait de s’intéresser à tout le monde ! »

Et y a t-il des sources d’insatisfaction professionnelle ?

Il faut se battre en permanence pour prouver sa valeur et montrer en quoi l’ux c’est bien et pourquoi il faut le développer ! Après j’en vois pas trop à part qu’on prend du poids à rester devant son ordinateur [rire] !

Un dernier conseil avant de terminer cette entrevue ?

Il faut y aller et ne pas avoir peur ! Défendre ce que tu fais et rester active sur les réseaux et sur la veille créative. Moi j’achète des livres sur le design, je m’abonne aux newsletters… Il ne faut pas non plus hésiter à sortir de sa zone de confort : en multipliant les expériences tu finis par te former et te spécialiser que ce soit dans la créa de sites web, d’appli, de dispositifs immersifs… il y a tellement d’opportunités à explorer, donc ne te mets pas de barrières !